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PREMIERE FLECHE : PARIS-CHARLEVILLE-MEZIERES-PARIS 1996

Vendredi 16 Mai, Gare de Saint-Quentin-En-Yvelines 5 heures 10, nous sommes 16 randonneurs au long cours à avoir répondus présents, pour certains cette flèche est une première, cela est mon cas, et il y a d'autres plus expérimentés, pleins de sagesse et rompus à ce type de course, bref tout ce petit monde prend d'assaut deux wagons, et nous nous y installons confortablement. Les vélos sont chargés, équipés, nous sommes presque tous en chaussures légères, pour ma part je suis en babouches marocaines, fort confortable, ce qui me vaudra quelques quolibets de la part d'envieux, admiratifs et jaloux.

Arrivée à la station Saint-Michel, nous retrouvons l'air libre, après avoir barbotés dans une belle mare située à la sortie de la station, signe prémonitoire des conditions météorologiques qui nous attendent ? Après une séance d'habillage pour quelques uns, tout le monde est prêt pour le grand départ, mais auparavant il nous faut nous livrer au cérémonial du tampon, rite incontournable de toutes randonnées au long court. En effet sans tampon de contrôle les raids longues distances ne seraient pas ce qu'ils sont.
Nous nous retrouvons tous dans un bar ouvert et café pour tout le monde. Notre tenue étonne, surprend les derniers noctambules, qui les yeux pleins de sommeil et de fatigue doivent nous prendre pour des martiens.
6 heures 45 c'est le grand départ, toutefois les photographes ( il y en a trois parmi nous ) ont eu le temps d'immortaliser ces ultimes moments précédents le commencement de cette chevauchée !

Sur 16, il y a 13 porteurs de sac à dos, et cette précision aura son importance comme nous le verrons plus tard, Michel, Richard, et Martine contrairement à tous les autres sont libres de toutes charges lombaires.

Alors que Paris s'éveille nous nous élançons en direction de la porte de Pantin. La circulation est faible, et la seule activité susceptible d'être évoquée est celle des agents de la voirie, avec qui nous échangeons quelques mots au hasard de la circulation.
Un feu rouge, un coup de pédale, et à nouveau un feu rouge, Paris n'est pas fait pour les cyclotouristes.
Et pendant plus de 10 km ce sera comme cela! Mains crispées sur les freins, regard guettant devant, derrière, à gauche, à droite, nous sommes sur les nerfs, et déjà stressés, heureusement voici les premiers champs, signes que nous sortons de la grande banlieue, à hauteur de Tremblay-En-France. Le ciel est couvert, mais nous retrouvons notre élément ( les routes départementales désertiques bien entendu! ) et voici la première crevaison de Gwénaél.
Laissant derrière nous le Grand Paris nous progressons régulièrement à 23/25 km/h. L'humeur est joviale et gaie. Toutefois je trouve que notre Fifi est plus discret que d'habitude. Voici Saint-Soupplets et le premier contrôle au km 42, le diktat du tampon commence et le rituel ravitaillement en aliments liquides et solides se met en place.
Première bosse en sortie de Saint-Soupplets, puis c'est la côte de Douy, puis celle de Thury-En-Valois, et Fifi qui évolue en queue de peloton ne semble pas dans son assiette. Me portant à sa hauteur il avoue ne pas être en forme, gêné par son sac à dos. Deuxième crevaison de Gwen qui a décidé de se rappeler à notre bon souvenir avec ses chambres à air.
A l'approche de la forêt de Retz, dans un chemin rural très boueux, vestiges de pluies récentes, nous nous retrouvons crottés jusqu'aux oreilles, nos montures souillées et maculées de boue présentent toutes une couleur tirant sur l'ocre, et là nous allons vous narrez l'épisode de Gégé le super-nettoyeur!, version masculine de la Mère Denis de la selle, du cadre et de la pédale.

Son beau vélo crotté, Gégé profite d'un arrêt survenant quelques minutes plus tard, pour entreprendre l'opération nettoyage, posant pied à terre et s'aidant de papiers et de chiffons, le voici qui essuie, astique, lessive, décrasse, décrotte, frotte, gratte, récure, nettoie, bouchonne et époussette son destrier pour lui redonner l'allure du neuf!

Cette vision surprenante, inattendue en pareil circonstance, nous révèle une qualité cachée de Gégé, et nous encourageons l'épouse de ce dernier à exploiter ses aptitudes, à moins que cela ne soit déjà fait! Gégé nous t'imaginons dans ton intérieur, fichu sur la tête, tablier autour de la taille, accessoires de ménage en mains en train de traquer poussières et moutons, implacables avec les miettes et tâches, terrorisant les souillures et auréoles graisseuses, dictateur du propre, menant avec méticulosité ta croisade de l'immaculé et de la pureté.
Après cet intermède du laveur casqué en cuissard, nous nous dirigeons vers La-Ferté-Milon deuxième point de contrôle au km 75, petit bourg coquet, avec une vieille roue à aubes sur l'Ourcq. L'immuable trilogie tampon-liquide-solide se répète et se répétera à chaque halte. Fifi est mal en point et se plaint du dos, une certitude: son sac à dos est la cause de tous ses maux, et quand nous repartons, il me semble que son moral est déjà bien entamé. Nous repartons, direction Silly-La-Poterie, Troenes, nous traversons l'Ourcq, et en longeant cette dernière voici la côte de Noroy-Sur-Ourcq, puis celle de Beugneux.
Fifi est maintenant à la peine ( je comprendrais réellement pourquoi le soir, nous y reviendrons ), et en queue du groupe retrouve Martine, et le grand Jacques, qui surveille attentivement les éventuels coquins, qui en mal de présence féminine viennent se réconforter auprès de la seule représentante du sexe dit faible. Conscient des difficultés de Fifi, seul membre du groupe à éprouver de réels ennuis ( pour le moment ! ), nous sommes plusieurs à nous concerter pour envisager les mesures à prendre. Et voici Braîne, village sur la Vesle, c'est le ravitaillement de la mi-journée ( km 120, il est 12H 45).
Nous posons les destriers et nous nous engouffrons à l'intérieur du seul bar-café-PMU-restaurant situé sur la place du village. Le café est plein, aussi bien au "zinc" qu'en salle. C'est véritablement le lieu privilégier pour se rencontrer, parler des dernières nouvelles, commenter les faits divers de la région, disserter sur la défaite des locaux dans le derby en foot, dans ces petits villages c'est un élément indispensable à la vie culturelle, c'est un espace d'échange et de communication.
Revenons à ces 16 estomacs qui réclament leur rations énergétiques. La patronne nous installent au fond de salle et prend commande des incontournables sandwichs, au demeurant savoureux, le pain encore chaud, est particulièrement tendre. Les premières bières de la journée sont consommées, certaines au comptoir. Jean toujours aussi convivial discute avec quelques locaux et leurs précisent notre destination, provoquant des commentaires admiratifs parmi ces derniers. Fifi retrouve un peu de voix, que nous avions fini par oublier durant cette matinée. Nous abordons le délicat problème du sac à dos de Fifi, et après avoir examiné les solutions s'offrant à nous, Richard en bon samaritain prend à sa charge son sac. Fifi ragaillardi se fait prendre en photo par Bertrand, le David Hamilton du groupe et comme le grand maître, spécialiste du nu masculin . Et quelle photo, jugez-en : Fifi se fait immortalisé, posant avec une affiche au titre évocateur de troisième nuit de la suce, représentant une coquine en train de sucer avec avidité et application une gigantesque sucette!!!
Je vous le jure cela est véridique, et d'ailleurs Bertrand compte bien présenter ses travaux au VCMB. Nous repartons, le ciel se montre de plus en plus menaçant. Le groupe progresse régulièrement avec un vent pas trop défavorable. En tête les plus costauds assurent le train, nous les citons et qu'ils soient ainsi remercié pour leur sens de la collectivité : Michel, Serge, Bruno, Philippe, André, Gwen, Jean.
Vieil-Arcy se présente avec un beau faux-plat à gravir. Maintenant le groupe se disloque à chaque difficulté. Nous suivons la Vesle qui serpente nonchalamment, et nous la traversons à Pontavert km 147. La pluie nous surprend et nous devons bâcher en catastrophe! Les voitures que nous croisons sont en feux de route, ce qui ne nous rassurent pas beaucoup sur la suite des conditions météorologiques.
A l'horizon nous devinons le plateau de Laon. Sous la pluie nous avons le luxe de retrouver notre radio locale et préférée, la bien nommée Radio-Lemasson, la seule radio qui nous mettent à l'unisson ! Après 25 à 30 km de pluie le ciel redevient plus clément, nous pouvons débâcher et nous faire sécher au vent, en attendant les rayons du soleil. Voici Neufchatel-Sur-Aisne notre quatrième ravitaillement, au km 165. Cinq minutes plus tard nous retournons au charbon. Côte de la Maladrerie, demain nous la descendrons ce qui n'est pas plus mal. Maintenant nous suivons le canal des Ardennes qui longe l'Aisne. Souvent en traversant des petits bourgs ou hameaux, les rares habitants nous encouragent, et je trouvent cela profondément chaleureux. Il est également surprenant de constater la patience des conducteurs de voitures qui nous suivent et qui ne manifestent aucune impatience, ou nervosité si caractéristiques de l'homo-sapiens-parisianus-automobilus, quel contraste entre la vraie France et la région Ile-de-France.
Depuis le départ les conversations se font et se défont au rythme des difficultés et de l'état d'esprit de chacun. Parfois un grand silence enveloppe le groupe, principalement lorsque nous ahanons à gravir bosses, côtes, raidillons et autres saletés de ce genre. A d'autres moments un véritable brouhaha émane de notre peloton, une voire deux ou trois discussions peuvent s'engager simultanément. Mais quand Radio-Lemasson émet, alors là tout le monde se tait captiver par les propos de notre grand narrateur en cuissard , mais sans sac à dos. D'ailleurs à la suite de l'incident S A D ( rien à voir avec le marquis du même nom, cela signifie tout simplement Sac A Dos ) une tribune animée s'ensuit abordant les thèmes aussi variés que le plus beau S A D, le plus laid, le plus original, le plus gros, et le plus volumineux. Et sur ces deux derniers critères de descriptions, à l'unanimité, l'ami Régis est désigné vainqueur, car possesseur du S A D le plus gigantesque et ainsi gagne le privilège de nous offrir le kir au bar des grimpeurs!
A Château-Porcien km 186, nous mettons cap au Nord et direction le massif des Ardennes. Herbigny, Wasigny, le relief devient vallonné pour ne pas dire tourmenté. Certains visages commencent à se creuser, et à l'occasion d'un échange de mots avec l'un et l'autre, d'une petite parlote avec untel, un constat s'impose : les premières douleurs, gènes apparaissent, ainsi que les premiers passage à vide. Mais dans l'ensemble les douleurs au niveau des épaules sont les plus fréquentes, conséquences du port du S A D.
A ce sujet nous en profitons pour conseiller aux néophytes de préférer les sacoches, avant ou arrière, au détriment du sac à dos véritable supplice pour les épaules et les lombes, et ce c'est pas le grand Jacques qui contredira ces modestes conseils.
Lui-même a équipé sa monture d'une sacoche avant, et d'une monstrueuse sacoche arrière dont le contenu a intrigué beaucoup de membres du groupe. Les suppositions les plus folles ont été émises durant cette journée, mais malheureusement pour les curieux, le mystère de la sacoche du Grand est resté impénétrable!
Forêt de Signy, et c'est Signy-L'Abbaye au km 212 notre dernier contrôle avant l'arrivée. Les habitants que nous rencontrons, curieux et intrigués se renseignent à notre sujet, et quand ils apprennent que nous rallions Charleville par la route de Thin, ils nous rassurent : ah! jusque à Charleville il n'y a que des montées et des descentes. Nous respirons, et soulagés par ces révélations nous repartons de bon coeur. En effet, nous aurions été vraiment déçus d'apprendre que les derniers 30 km soient exclusivement plat, car tous nous en redemandons de la grimpette!
Côte de Signy en sortant du bourg, virage en épingle à cheveux, avec un fort pourcentage à la corde, mais c'est déjà la petite montagne! Pour ma part je ne suis pas désappointé, car revenant d'une semaine de vacances en Alsace j'ai pu parfaire ma condition en escaladant quelques cols sur la route des crêtes.
Et pour grimpé cela grimpe bien, le peloton a carrément explosé, et se trouve éparpillé sur plusieurs centaines de mètres. Surprise je me retrouve dans le groupe de tête en compagnie des costauds et des très costauds, diable j'ai peut-être trop forcé sur les sandwichs!
Thin-Le-Moutiers km 220, la forêt de Froidmont, les paysages sont superbes, prairies d'un vert cru ( il doit pleuvoir abondamment dans la région ), forêts paisibles, bois de conifères aux senteurs parfumées. Ah! comme elle jolie notre France bien aimée.
Sentant la proximité de l'écurie quelques robustes coursiers, indestructibles et ayant encore du jus, se tirent une bonne bourre et prennent le large. Neuville km 228, d'un commun accord les premiers arrivés font une halte et décident d'attendre le reste de la troupe afin de repartir ensemble, pour d'arriver à Charleville-Mézières TOUS ensemble. Warcq, Mézières et voici Charleville, direction le quartier de la gare, nous touchons au but car voici notre hôtel, il est 19 H 30.
C'est maintenant l'installation dans les chambres, et surprise, il y a des chambres doubles, Richard est un grand cachottier car il n'a pas voulu nous préciser quoi que ce soit durant la journée sur les conditions d'hébergement. Ainsi nous sommes trois couples à profiter de ce privilège. Le premier couple est tout a fait légal : Martine et Jacques, mais les deux autres sont assez insolites, faites-vous votre propre opinion : Gégé est avec Bruno, d'un point de vue pilosité la moustache du second compensera la calvitie naissante du premier, et il y a Fifi avec Cri-cri, les 2 voies de notre radio stéréo comme le dit si bien l'ami Gilles.
Chacun en possession de sa clef, et c'est la ruée dans les chambres. Après le déshabillage, c'est une douche chaude et un savonnage généreux, aux vertus régénératrices et vivifiantes. Après sa douche l'ami Fifi me demande de lui passer un onguent sur son dos meurtri. Je m'exécute, et à la vision de la grande cicatrice qui marque son dos je comprends ( enfin ) la gène que son sac à dos a du lui occasionné, et je m'imagine les douleurs endurées.

Propres, habillés de sec, bien coiffés, nous nous ruons au bar et l'orgie de bière commence! Il y a même des curieux gourmands qui s'essaient à la mousse belge. Ah je suis sûr que pendant ces quelques instants , nous dans les Ardennes, et d'autres en Irlande, nous sommes entrés en communication, de manière inconsciente certes, avec l'aide de Saint-Houblon, patron des brasseurs et des amoureux de la bière.


Un petit coup d'oeil sur la météo pour le lendemain, guère optimiste, et nous passons à table, capables de dévorer un boeuf ( français of course!). Les propriétaires, sympathiques, nous servent un repas typiquement pour cyclotouristes, à base de sucres lents, simple mais bon et plus que copieux.
A 22 H 30, nous sommes pratiquement tous couchés, les intentions de sortie nocturne, les folles nuits de Charleville , les idées de débauche de luxure et de bamboches sont oubliées, probablement annihilées par une bonne vieille fatigue générale. Bien pelotonnés dans nos lits, Fifi et moi-même conversons quelque peu avant de sombrer dans un sommeil si bien mérité. Toutefois nous avons quelque peine à nous endormir de suite, car imaginez-vous que la chambre située au dessus de la nôtre est occupé par le couple légal.
Et comme le grand Jacques nous a précisé durant la journée, qu'il comptait faire l'hélicoptère ce soir, nous devons attendre que les manoeuvres aériennes se terminent pour dormir du sommeil du juste. Fifi et Cricri tendent attentivement l'oreille, non il n'y a plus de bruit, l'hélicoptère est très certainement rentré au garage, et alors nous nous endormons.
Soudain dans le courant de la nuit j'entends parler, je me dresse sur mon céans, allume la lumière et constate que le Fifi au S A D, et bien il parle tout seul en dormant. J'espère que Madame Lemasson a le sommeil profond! En retour Fifi me précise que je ronfle comme une marmotte.
5 H 30, nous émergeons d'une fantastique nuit réparatrice. Lascifs Fifi et moi-même retardons le moment de se lever, savourant chaque seconde supplémentaire passé au fond de notre lit, bien au chaud. Jouisseurs, nous réussissons à faire durer ces instants si merveilleux jusqu'à 6 H 05. Voici le moment de se lever, rapide toilette, habillage avec des effets secs, et nous descendons prendre le petit déjeuner.
Les effets contenus dans le sac à dos de Fifi ont été repartis dans plusieurs sacs, permettant ainsi à Richard de prendre le départ dans une configuration qui était celle de son choix vendredi matin.
Dehors, il pleut des hallebardes avec un ciel noir et bas, ces conditions dantesques ( c'est peut-être un peu exagéré ) refroidissent l'ardeur des plus endurcis. Nous réglons les additions et factures diverses ( l'ami Michel a une note de téléphone de 100 FRS, mais qu'est-ce qui peuvent bien se dire).
Gwen répare la crevaison n°4, jolie performance. Enfin c'est le départ sous une pluie toujours aussi forte, avec les encouragements du patron. La colonne s'élance, presque à contrecoeur, les échines sont courbées et les cous instinctivement rentrés dans les épaules et les visages sont fermés et les lèvres muettes. Direction le sud par la départementale D3, côte de Warnécourt 2 chevrons sur les cartes Michelin, Guignicourt, puis la montée vers Launois-Sous-Vence, 2 chevrons également, mais diablement pentue la garce de côte!
Nous avons droit à 20 km de toboggans, sous la pluie, mur sur mur, avec des descentes à 10/12%. Pour ma part, mon compteur indiqua un maximum de 68 km/h,. mais les routes qui présentent un revêtement parfait sont très roulantes. Toutefois, avec les conditions météo, chacun redouble de prudence, anticipant au maximum les trajectoires et les freinages. Les paysages sont toujours aussi superbes, mais personne ne doit prendre le loisir de les contempler.
Novien-Porcien, côte de Malmaison et de Séry ( encore une 2 chevrons ), où nous effectuons un premier ravitaillement officieux à la supérette du bourg, et Fifi en net regain de forme en profite pour dialoguer avec les ménagères locales. En route vers Chateau-Porcien maintenant la pluie a cessée, voici Gomont et nous suivons la vallée de l'Aisne. Le premier contrôle officiel est atteint à Corbeny km 93. Encore et toujours le rituel tampon-boissons-aliments. Par la D18 en route vers le plateau de Craonne.
Les premiers bobos apparaissent, le Grand profite de chaque occasion pour se mettre debout sur les pédales afin de soulager son entrejambe. Bertrand est à son tour atteint par le syndrome S A D, et se retrouve en queue du paquet. Martine finira par hériter du sac de l'ami Bertrand quelques kilomètres plus loin. Fameux dragueur le Bertrand, et il réussit même à se faire porter son paquetage!
Craonne, Hurtebise et la rampe d'accès au Chemin des Dames, et encore une difficulté appréciée par les purs grimpeurs. Nous roulons maintenant sur le plateau avec un vent défavorable, et les indestructibles passent devant, monstres d'altruisme et de dévouement pour la collectivité, encore merci à Bruno, Serge, et les autres.

L'endroit est un haut lieu de la guerre de 14-18, et une photo de groupe est prise, tous serrés, devant un monument commémorant les combats qui se sont déroulé il y a plus de 80 ans.

Un peu plus tard c'est la pose pipi, toujours sur la route en haut de ce plateau, mais comme il n'y a ni arbre, ni abri, les regards masculins se détournent un instant, le temps que Martine satisfasse son besoin, voilà de la galanterie! Les paysages au alentour sont toujours superbes, alternances de bois, forêts, et de champs de toute couleur, entretenues avec soin, la France offre une infinité de paysages tous plus magnifiques les uns que les autres.
Nous récupérons la N2, et redoublons de prudence en roulant à la file indienne, sécurité oblige. Une cassure se produit devant moi, avec pour conséquence d'avoir à effectuer seul les 12 km pour atteindre la sortie à Crouy. Derrière moi Martine est avec Jean qui perce et qui ralliera également en solitaire la sortie de la nationale. Voici Crouy point de contrôle au km 153, il commence à faire chaud, les imper et autres protections sont retirées, et par là même les mollets poilus ou rasés sont dénudés.
C'est le ravitaillement, et maintenant deux attitudes se manifestent, il y a les pressés toujours impatients de repartir, aussi vif a remonter sur selle qu'à se ravitailler; et il y a les voluptueux, les jouisseurs, les sensuels calmes et pondérés qui profitent de chaque instant, le savourant au maximum. Ainsi parmi ceux-ci citons les consommateurs des premières bières de la journée, et il faut les avoir vu dégustant gorgée après gorgée, se régalant et se délectant en épicurien.
Traversée de Soissons, puis c'est Chaudun petite banlieue cossue. En route vers Longpont-Sur-Orge, cadre charmant agrémenté d'une vieille abbaye ( église en ruine ), et d'une attirante auberge où Gilles s'assoie en terrasse et se commande une bière, qu'il boit avec délice au soleil en attendant la fin de la séance tampon, je pense qu'il n'est pas difficile de le classer dans l'une des catégories que nous évoquions plus haut.
Nous repartons, petite bosse puis c'est la forêt de Retz avec de majestueux chênes et hêtres. Fifi est en pleine forme et Radio-Lemasson reprend ses émissions avec force et énergie. Après Villers-Cotterets, pour éviter la N2 surchargée à cette heure de la journée, nous prenons les routes départementales et vicinales ( Jean Yanne haïssait les routes départementales et je lui donne raison au vue de celles que nous allons emprunter).
Routes défoncées, mal entretenues, constellées de trous, ornières, nid de poule et autres pièges à vélos. La pluie qui commence à tomber ne nous surprend pas, car le ciel était très noir et menaçant depuis quelque temps, pose pour la séance des imperméables. nous effectuons le reste du trajet dans ces conditions.
Nous retrouvons la circulation, le stress, l'urbanisation , le monde, et les espaces verdoyants me manquent terriblement à cet instant.
Mitry-Mory, D115, Tremblay, Villepinte, et la porte de Pantin, chacun est attentif à tous les dangers qui guettent le cyclo en agglomération dense et surchargée. Puis c'est la descente vers la Seine, avec un feu rouge, un pavé et un coup de pédale. Des moments qui sont éprouvants nerveusement.
20 H 45, Saint-Michel, ouf c'est fini et nous sommes tous ensemble, chacun est content et fier d'être à l'arrivée. Dernière photo de groupe, pendant que d'autres se précipitent consommer leur première mousse parisienne. Quai de la station Saint-Michel, où notre accoutrement attirent la curiosité et les regards, suscitant remarques ( désobligeantes ou admiratives ). Nous prenons le train de 21 H 35, et en route pour Montigny.
Gare de Saint-Quentin, dernières discussions et voici l'heure de la séparation, chacun regagne son havre de paix, pour retrouver famille, un bon bain chaud, et un vrai repas bien gagné il faut l'admettre.

En conclusion que dire? que ce raid en sacoches a été sympathique, que les petits incidents rencontrés, ou les conditions météo n'ont eu aucune emprise sur nôtre moral, car durant ces deux jours l'esprit cyclotouriste a constamment animé le groupe, le soudant et le rendant insensible à toutes ces péripéties.

Signé CRI-CRI